Article paru dans DIJON L’HEBDO du 11 novembre 2021 :

Une fois passé le temps des promesses et des bons sentiments, il est fréquent que des associés d’une même société, un temps alliés, deviennent ennemis. La naissance d’un tel différend constitue alors une menace pour la pérennité de la société, à laquelle il convient de mettre fin. Or, il s’avère plus aisé de divorcer de son conjoint que de son associé !

Quels sont les outils mis à la disposition des associés ?

Des solutions amiables ou judiciaires existent. L’arbitrage entre ces mesures dépend de la nature des difficultés rencontrées.  Lorsqu’elles sont ponctuelles, la désignation judiciaire d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée et de fixer son ordre du jour peut être envisagée (article L.223-27 du Code de commerce).  Le mandataire est alors désigné pour accomplir une mission déterminée. Cette mission relevant de la compétence du gérant, l’associé ne pourra solliciter, en justice, la nomination d’un mandataire qu’après avoir vainement mis en demeure le gérant de procéder à cette convocation. La demande devra être conforme à l’intérêt social. Le juge n’exige pas la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société.

Il convient de distinguer le mandataire, dont la mission est régie à l’article L.223-27 du Code de commerce, du mandataire ad’hoc (article L.611-3 du Code de commerce). Ce dernier a pour mission principale de négocier un accord avec les créanciers de l’entreprise. Cependant, sa mission peut dépasser ce cadre. Cette procédure présente l’avantage d’être confidentielle. Elle se révèle particulièrement efficace.

La désignation judiciaire d’un administrateur provisoire peut s’avérer nécessaire en cas de mise en péril de la société liée à une paralysie des organes de gestion.

L’administrateur provisoire, à la différence du mandataire, se substitue de manière temporaire aux organes de direction. L’administrateur provisoire est investi des mêmes pouvoirs que les dirigeants sociaux. Cette désignation peut être sollicitée par un ou plusieurs associés mais également par les dirigeants de la société. Des difficultés, mêmes graves, ne seront pas suffisantes, de même que la carence des dirigeants. La Cour de Cassation considère cette désignation comme « une mesure exceptionnelle qui suppose de rapporter la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un dommage imminent ».

Lorsque la situation s’avère particulièrement dégradée, un associé peut vouloir quitter la société. Il faut alors distinguer le cas des sociétés commerciales de celui des sociétés civiles.

A ce titre, l’article 1869 du Code civil prévoit un droit de retrait pour les associés d’une SCI. Ce droit s’exerce dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut de précision, par une décision unanime des autres associés. Un risque de blocage existe.La loi met alors en œuvre un droit de retrait judiciaire, pour justes motifs. Le juste motif de retrait a été retenu en l’absence d’entente entre les associés d’une SCI, conduisant à la détérioration et à la dévalorisation de l’unique actif immobilier de la société. Dans le cadre d’une SCI constituée entre époux, les juges ont considéré qu’il n’était pas nécessaire de prouver que la mésentente résultant de la séparation du couple entraînait un dysfonctionnement de la société. La perte de l’affectio societatis de l’époux demandant le retrait et son absence d’intérêts à demeurer associé de la société suffisaient.

Si aucune de ces solutions n’est envisageable. La dissolution de la société est alors perçue comme l’ultime recours.

A cette fin, la dissolution amiable interviendra suite à une décision de l’assemblée générale des associés, respectant les règles de majorité prévues par la loi ou les statuts. Des dispositions légales permettent également de saisir le Tribunal pour obtenir la dissolution judiciaire de la société. L’action en dissolution appartient aux associés.

Plusieurs conditions doivent alors être réunies. La dissolution judiciaire sera prononcée pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société. A défaut de paralysie, les tribunaux refuseront de prononcer la dissolution. La gravité des justes motifs relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, étant précisé que la dissolution judiciaire ne sera pas prononcée s’il existe d’autres moyens de parvenir à un retour à la normale.

Les solutions présentées interviennent une fois le litige né mais ce type de conflit peut et doit être anticipé dès la création de la société, par des dispositions statutaires ou extra-statutaires s’imposant aux associés (promesse de cession des titres en cas de départ d’un salarié/associé, par exemple).

Article écrit par Me Eric SEUTET  et Me Emilie BRIGAND