ENTREPRISE
Responsabilité pour insuffisance d’actif au sein d’une SAS
Une procédure de liquidation judiciaire est ouverte contre une société par actions simplifiée (SAS) dont le capital est détenu par une société, elle-même filiale d’une holding, et dont la direction est assurée par une troisième société.
Le liquidateur judiciaire de la SAS poursuit en responsabilité pour insuffisance d’actif ces trois sociétés en qualité de dirigeantes de droit (s’agissant de la société présidente de la SAS) et de fait (s’agissant de la société mère et de la holding), ainsi que leurs représentants légaux.
En réponse, les représentants légaux soutiennent qu’ils ne peuvent pas être poursuivis faute d’avoir été désignés en tant que représentants permanents des personnes morales comme le prévoit l’article L 651-1 du Code de commerce.
En vain.
Lorsqu’une SAS en liquidation judiciaire a pour dirigeant de droit ou de fait une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d’actif est encourue par la personne morale dirigeante et par son représentant légal en l’absence d’obligation légale ou statutaire de désigner.
Cour de cassation, chambre commerciale, 13 décembre 2023, pourvoi n° 21-14.579
Bail commercial et offre de renouvellement : précisions
Dans une décision importante, la Cour de cassation est venue juger qu’un congé comportant offre de renouvellement du bail commercial, mais proposant (hors le prix) de nouvelles clauses et conditions, différentes de celles du bail expiré, doit être requalifié.
Ce congé doit en effet s’analyser comme un congé avec refus de renouvellement. Il ouvre ainsi droit à indemnité d’éviction pour le locataire.
Dans l’affaire en question, le bailleur avait déclaré dans son congé accepter le principe du renouvellement mais en modifiant la contenance des lieux loués ainsi que les obligations d’entretien du locataire. Saisis du litige, les juges avaient alors considéré que ce congé était nul et que le maintien dans les lieux des locataires, sans opposition du bail à l’expiration du bail initial avant leur départ volontaire, leur interdisait de demander le versement d’une indemnité d’éviction.
Cette décision a été censurée par la Cour de cassation qui estime qu’un congé avec offre de renouvellement à des conditions différentes du bail expiré (hors le loyer) vaut congés avec refus de renouvellement ouvre un droit à indemnité d’éviction.
Cour de cassation, 3ème chambre civile, 11 janvier 2024, pourvoi n° 22-20.872
SCI : de l’importance de l’objet social statutaire
Trois associés constituent une société civile immobilière (SCI) dont ils deviennent cogérants.
L’objet social de cette SCI s’entend alors comme « l’acquisition, la propriété, l’administration, l’exploitation de tous biens immobiliers, la prise à bail à construction de tous immeubles en vue de la location ainsi que toutes opérations juridiques, administratives, financières et de gestion à caractère mobilier ou immobilier concourant directement ou indirectement à la réalisation de l’objet ».
L’un des gérants de la SCI vend un immeuble appartenant à celle-ci.
Soutenant que cette vente dépasse les pouvoirs du gérant qui l’a conclue, l’opération n’étant pas comprise dans l’objet social, un autre cogérant de la SCI demande son annulation.
La Cour de cassation lui donne raison : la vente de l’immeubles excédait les pouvoirs du gérant dès lors que l’énumération statutaire des opérations comprises dans l’objet social ne comportait pas la vente de biens immobiliers de sorte cette opération aurait dû être décidée à l’unanimité des associés.
Cour de cassation, 3ème chambre civile, 23 novembre 2023, pourvoi n° 22-17.475
Action en concurrence déloyale et prescription
Une société exploitant une supérette assigne en concurrence déloyale un exploitant agricole.
Elle lui reproche de vendre des produits en violation de la réglementation en vigueur (l’exploitant agricole prétendant vendre exclusivement des produits de la ferme, alors que ce n’est pas le cas).
L’exploitant se défend et soulève la prescription de l’action menée à son encontre. Il finira par avoir gain de cause.
Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle en effet que, d’une part, le point de départ de la prescription quinquennale de l’action en concurrence déloyale se situe au jour où la société a connu ou aurait dû connaître les faits reprochés et, d’autre part, que la poursuite des agissements anticoncurrentiels dans la durée n’a pas pour effet de décaler le point de départ du délai de prescription de l’action.
Rapportés aux faits d’espèce, force est donc de constater que l’action en concurrence déloyale menée par la société exploitant la supérette est prescrite.
Cour de cassation, chambre commerciale, 15 novembre 2023, pourvoi n° 22-21.878
BANQUE ET CONSOMMATION
Aide juridictionnelle : plafonds revalorisés
Les plafonds d’admission à l’aide juridictionnelle pour 2024 ont été publiés.
Toute personne dont le revenu fiscal de référence (RFR) est inférieur à 12 712 € peut prétendre à l’aide juridictionnelle totale.
Celles dont le RFR est compris entre cette somme et 19 066 € peuvent, quant à elles, bénéficier d’une aide juridictionnelle partielle.
Attention tout de même, à ces conditions de ressources ont été ajoutées des conditions d’épargne et de patrimoine à ne pas dépasser (12 712 € pour le patrimoine mobilier, 38 132 € pour le patrimoine immobilier). Des correctifs sont toutefois appliqués, mais ils dépendent seulement du nombre de personnes à charge.
Rappelons que l’aide juridictionnelle est une aide financière accordée aux personnes disposant de ressources modestes qui souhaitent faire valoir leurs droits en justice. Les frais totalement ou partiellement pris en charge sont les honoraires d’avocat et l’ensemble des frais de procédure (actes d’huissier, etc.).
Circulaire JUST2401297C du 17 janvier 2024
Retard aérien : pas d’indemnisation si le désagrément n’est pas sérieux
Un homme voit que son vol reliant Düsseldorf à Palma de Majorque est annoncé avec un retard de plus de 3 heures.
Craignant de manquer un rendez-vous professionnel, il décide de ne pas prendre cet avion. Il réserve alors lui-même un vol de remplacement grâce auquel il arrive à destination avec un retard de moins de 3 heures par rapport au vol initial. Peut-il, dans ces conditions, obtenir l’indemnisation forfaitaire à laquelle tout passager peut en principe prétendre en cas de retard d’un vol de 3 heures ou plus ?
« Non », répond la Cour de justice de l’Union européenne.
Elle rappelle en effet que le règlement européen sur les droits des passagers aériens vise à remédier aux difficultés et aux désagréments sérieux que subissent des passagers dans le cadre d’un vol. Or, le fait que l’homme ait dû trouver lui-même un vol de remplacement ne peut être considéré, selon elle, comme sérieux, au sens de ce règlement, dès lors que l’intéressé a atteint sa destination finale avec un retard inférieur à 3 heures.
Cour de justice de l’Union européenne, 25 janvier 2024, affaire n° C-474/22
La vente de chiens et chats interdite en animalerie
Depuis le 1er janvier 2024, les animaleries ne peuvent plus céder à titre onéreux ou gratuit de chiens et de chats dans leurs établissements.
L’objectif de cette nouvelle disposition est de lutter contre les achats impulsifs de chiens et de chats qui conduisent trop souvent à des abandons.
A noter toutefois que les animaleries conservent le droit de pratiquer de la vente en ligne, en mettant en relation les éleveurs et les futurs acquéreurs ou en en détenant les animaux dans des locaux dédiés et distincts de l’animalerie. Les animaleries sont également autorisées à présenter à l’adoption des chats et des chiens appartenant à des fondations ou à des associations de protection animale. Il s’agit de chats et de chiens issus d’abandons ou dont les anciens propriétaires n’ont pas été identifiés. Dans ce cas, des bénévoles doivent toutefois être présents pour accompagner les adoptants dans leur démarche.
Loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021
Nullité d’un contrat d’assurance-vie pour dol : quel délai pour agir ?
Un particulier souscrit un contrat d’assurance-vie au titre duquel il verse, par l’entremise d’un courtier, une certaine somme.
Cette somme, ainsi qu’un versement complémentaire effectué 15 jours plus tard, sont investis sur différents supports.
Trois ans plus tard, l’assuré assigne le courtier et l’assureur en justice aux fins de voir prononcer l’annulation de deux arbitrages et le remboursement des sommes versées sur les supports choisis.
Pour les juges, cette action, fondée sur le dol et intervenue plus de deux ans après les versements doit être jugée comme prescrite.
Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui censure cette décision.
L’action en nullité du contrat d’assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l’assureur ou de son mandataire, qui repose sur l’existence de manœuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d’assurance et n’est donc pas soumise à la prescription biennale du Code des assurances.
Cour de cassation, 2ème chambre civile, 21 décembre 2023, pourvoi n° 22-15.768