{mosimage}Article paru dans « VALEURS ECONOMIQUES HAUTE SAONE » numéro Juillet/Août/Septembre 2012.
Des difficultés de trésorerie ne vous permettent pas de régler les organismes sociaux et fiscaux… ces mêmes organismes inscrivent des privilèges au greffe du Tribunal de commerce où vous êtes immatriculé…
Votre résultat d’exploitation fait apparaitre une perte de plus de la moitié du capital social, ce qui signifie que vous avez épuisé une bonne partie de vos fonds propres…
Vous êtes confronté à un refus de votre banquier de vous consentir un nouveau crédit, ou des facilités de caisse nouvelles, et/ou il refuse de renégocier des emprunts avec un allongement de l’amortissement…
Votre chiffre d’affaires stagne ou baisse, ce qui dégrade la marge, et donc votre résultat.
Vos fournisseurs se font menaçants, et vos clients tardent à payer ce qu’ils vous doivent…
Il faut réagir !!
N’entendez pas qu’il soit trop tard !
Votre entreprise présente des symptômes qui laissent apparaitre qu’elle est malade.
De votre réaction, dépend le sort de votre entreprise, de ses salariés, de votre caution, et finalement de votre avenir même !
Antoine de Saint-Exupéry disait :
«Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible».
Entendons-nous bien tout d’abord sur le mal qui peut ronger votre entreprise.
Il ne peut y avoir de prévention des difficultés des entreprises qu’à partir du moment où celles-ci ne se trouvent pas déjà en état de cessation de paiements.
Le critère permettant de déterminer quel est l’outil le plus adapté à la situation de l’entreprise en difficulté est donc cette notion d’état de cessation des paiements.
Un débiteur est en état de cessation des paiements lorsqu’il se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Le passif exigible correspond au montant des dettes arrivées à échéance, et dont le paiement peut être exigé immédiatement par les créanciers. Ces dettes doivent être liquides et certaines (c’est-à-dire ne pas faire l’objet de litige ou de contestation possible).
L’actif disponible correspond quant à lui aux sommes immédiatement mobilisables dont l’entreprise peut disposer. Il s’agit des soldes créditeurs des comptes bancaires, des espèces contenues en caisse, des effets de commerce à vue, des réserves de crédit, mais n’en font pas partie les immeubles, les stocks, les créances qui ne sont à terme puisqu’elles ne peuvent pas être mobilisées rapidement.
La jurisprudence n’impose pas que le passif soit exigé par les créanciers, mais seulement exigible, étant précisé qu’en pratique, lorsqu’un créancier ne recouvre pas judiciairement sa créance, il consent tacitement une réserve de crédit à son débiteur, qui peut ainsi croire qu’il ne se trouve pas en état de cessation des paiements, et qui se trouve ainsi à la merci de ses créanciers !
Tout dirigeant d’entreprise doit, lorsqu’il est en état de cessation des paiements, déclarer cet état dans les 45 jours au greffe du Tribunal de commerce de son immatriculation.
Le formulaire de déclaration de cessation des paiements est accompagné de ses derniers comptes sociaux, d’où l’expression «déposer le bilan», usuellement utilisée.
Le dépôt tardif peut être lourdement sanctionné pour faute de gestion et faillite personnelle, sachant qu’en outre, un créancier impayé, disposant d’un titre judiciaire, qui n’a pu se faire payer, peut, à tout moment, saisir le Tribunal pour demander l’ouverture d’une procédure de redressement et/ou liquidation judiciaire à l’encontre de son débiteur.
Il faut donc distinguer les entreprises qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements de celles qui le sont.
Celles qui ne le sont pas encore, ou qui sont en état de cessation des paiements depuis moins de 45 jours, peuvent bénéficier d’une procédure :
– de mandat ad’hoc (article L.611-3 du Code de commerce).
– ou d’une procédure de conciliation (article L.611-4 du Code de commerce).
Le mandat ad’hoc (expression latine signifiant «pour cela») correspond donc à une mission spécifique, clairement définie dans l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce qui, désignant celui à qui il va confier la mission de régler les difficultés de l’entreprise en négociant avec ses principaux partenaires (banquiers, crédit bailleur, Trésor Public, caisse sociale, clients, etc.), va tenter de trouver une solution essentiellement amiable, et plus le chef d’entreprise aura anticipé sur ses difficultés, plus le mandataire ad’hoc disposera de latitude pour négocier.
Il ne sert, bien évidemment, à rien de faire désigner un mandataire ad’hoc quelques jours avant l’échéance des salaires qui ne peuvent être réglés par l’entreprise, ou après que le principal client de l’entreprise ait arrêté ses relations, ou qu’un créancier ait assigné en redressement judiciaire !
Le dirigeant reste aux commandes de son entreprise.
Il maitrise la mission du mandataire ad’hoc dont il a sollicité la désignation par le Président du Tribunal de commerce, tout comme son coût qui est libre, mais négocié avec le dirigeant sous le contrôle du Président, qui tient généralement compte d’une facturation au temps passé par application d’un taux horaire, et d’un pourcentage sur les résultats obtenus (somme moratoire ou apport de new-money, notamment par les établissements de crédit).
Le mandataire ad’hoc va préparer sa mission en amont avec le dirigeant et ses Conseils (avocat, expert-comptable), et assister le dirigeant dans la mise en œuvre des actions destinées à mettre en œuvre un plan d’action pour redresser l’entreprise.
Le chef d’entreprise va devoir établir une stratégie de redressement en établissement un business plan, propre à démontrer à ses créanciers que les mesures de redressement qu’il a mis en œuvre (éventuels licenciements, changement de politique commerciale, etc.) sont à même de pouvoir assurer la pérennité de l’activité, et l’apurement du passif accumulé.
Parallèlement à cette mission de mandat ad’hoc, il existe une mission de conciliation qui, pour l’essentiel, obéit aux mêmes conditions que ci-dessus.
Sa principale caractéristique tient au fait que le conciliateur également désigné par le Président du Tribunal de commerce, là encore dans une procédure confidentielle, a une mission limitée à quatre mois, prorogée au plus d’un mois.
Là encore, l’entreprise ne doit pas être en état de cessation des paiements, mais, et c’est là un point extrêmement important, la procédure de conciliation peut aussi concerner les sociétés qui sont en état de cessation des paiements, mais dont la date de cessation des paiements remonte à moins de 45 jours.
Le conciliateur va donc également tenter de «geler» le paiement d’un certain nombre de charges.
Traditionnellement, dès la désignation d’un mandataire ad’hoc ou d’un conciliateur, les établissements de crédit suspendent le remboursement des concours bancaires qu’ils auraient pu être amenés à dénoncer, étant rappelé que chaque établissement de crédit peut dénoncer des concours indéterminés (découvert, ligne de trésorerie) sous respect d’un préavis de deux mois.
En cas de nécessité de négocier avec les établissements de crédit, soit pour moratorier le remboursement d’un crédit échu et demeuré impayé, soit pour bénéficier de nouveaux concours bancaires, les négociations se font sous le contrôle de la médiation du crédit, même si le rôle du médiateur du crédit s’est estompé après que la crise économique ait fait suite à la crise financière.
Le conciliateur et/ou mandataire ad’hoc va, s’il existe des dettes fiscales et sociales, prendre contact avec la CCSF ou la CODECHEF (Commission des Chefs des Services Financiers), qui relève du Trésorier Payeur Général, rattaché à la Préfecture de Région, et qui «pilote» l’étalement des dettes fiscales et sociales, en présence du directeur des services fiscaux et du directeur de l’URSSAF.
Pour les autres créanciers, le conciliateur et/ou mandataire Ad’hoc va tenter amiablement d’obtenir un moratoire, et seule la confiance que peuvent avoir les créanciers dans le chef d’entreprise et le plan de redressement qu’il met en place, peut permettre la régularisation d’un accord de conciliation, qui va être signé par le chef d’entreprise et ses principaux créanciers, et constaté par le Président du Tribunal de commerce à la faveur d’une ordonnance, ou homologué par le Tribunal de commerce, le cas échéant.
Bien évidemment, ce moratoire ne peut tenir, et il ne peut permettre le redressement effectif de l’entreprise qu’à partir du moment où le business plan sur lequel il s’appuie est crédible, réaliste, et que le chef d’entreprise le réalise, faute de quoi l’entreprise échouera et se retrouvera en redressement, voire même en liquidation judiciaire, puisqu’elle n’aura pu faire face au paiement de son passif.
La prévention des difficultés ou plus exactement le traitement amiable des difficultés des entreprises (par un mandat ad’hoc ou une conciliation), et non à la faveur d’une procédure judiciaire (comme un redressement ou une sauvegarde), ne peut réussir que si certaines conditions sont préalablement remplies :
– Le chef d’entreprise doit tout d’abord parfaitement maitriser ses outils de gestion et ses tableaux de bord ; il doit pouvoir diagnostiquer l’origine exacte de ses difficultés (structurelles, conjoncturelles), et parfaitement maitriser son produit, son marché, et sa situation comptable et financière.
– L’entreprise ne doit pas être dans une situation financière irrémédiablement compromise, c’est-à-dire engluée dans une situation financière inextricable, acculée par des créanciers menaçants, ayant perdu la confiance de ses clients et de ses salariés, ayant finalement trop attendu….
– Il doit être assisté et conseillé par ses Conseils habituels (avocats et experts comptables) dont on ne peut que louer le travail d’équipe : l’un ne peut rien sans l’autre.
Et c’est justement lorsque l’on est confronté à des difficultés qu’on a le plus besoin d’avoir à ses côtés son médecin de famille, un pharmacien attentionné et ouvert 24h/24, tout comme une infirmière compréhensive.
Chef d’entreprise, mobilisez vos Conseils auprès de vous !
N’hésitez pas à les consulter pour qu’ils vous aident à traverser les moments difficiles.
Il faut ici, saluer l’initiative du Conseil Supérieur de l’Ordre des experts comptables qui a su susciter «l’assurance-santé de l’entreprise », pour faire face aux aléas de crise qui est une première en France !!
Le contrat de responsabilité civile du mandataire social (RCMF) mis en place par plusieurs assureurs a été étendu à une assurance santé au bénéfice de l’entreprise, qui permet la prise en charge des honoraires de conseils, des experts de crise, incluant les honoraires des experts comptables de la société, et de tous eux qui peuvent accompagner l’entreprise en difficulté.
L’assurance-santé de l’entreprise se déclenche :
– Par un tiers lors d’une procédure d’alerte du :
- Commissaire aux comptes,
- Président du Tribunal de commerce,
- Comité d’Entreprise exerçant son droit d’alerte
– Par le dirigeant :
- En sollicitant un mandat ad’hoc ou une conciliation,
- En présentant des délais de paiement à la CCSF,
- En prenant rendez-vous avec le CIP (Centre d’Information et de Prévention).
Lorsqu’une entreprise est malade, il faut qu’elle puisse se payer un bon médecin et de bons médicaments, mais encore fallait-il qu’elle puise financer cette dépense de première nécessité.
C’est désormais fait à la mise en place de cette assurance-santé de l’entreprise.
Le chef d’entreprise, confronté à des difficultés, doit être incité à souscrire une assurance de ce type pour surmonter les difficultés qu’il serait amené à traverser.
Les fermetures de sites industriels multiplient leurs cortèges de plans sociaux.
Réagissons !
Résistons !
«Ceux qui pensent qu’il est impossible d’agir sont généralement interrompus par ceux qui agissent» ! (James BALDWIN).