Quels commerçants, artisans, ou toute autre personne exerçant ses fonctions professionnelles dans le domaine commercial, artisanal, libéral, ne s’est pas un jour interrogé sur son avenir professionnel si son principal prestataire, fournisseur, collaborateur venait à lui dire qu’il ne désirait plus travailler avec lui ?

 

Une telle pratique pourrait s’avérer des plus préjudiciables. Comment se retourner en pareille situation ?

 

La rupture brutale des relations commerciales établies est-elle sanctionnée ?

 

Comment se protéger contre de tels agissements? Peut-on demander à être indemniser ?

 

Comment définir le préjudice subi pour mieux faire valoir ses droits ?

 

 

Le législateur n’ignore pas ces difficultés bien trop courantes, dans la vie des affaires et prévoit à l’article L 442-6 I 5° du Code de Commerce des dispositions tendant à assurer la protection de la personne visée par ses actes. La loi prévoit qu’engage la responsabilité de son auteur, le fait pour tout producteur, commerçant, industriel…de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie, sans prévis.

 

 

1)    Avant tout, qu’est-ce que l’on entend par relation commerciale ?

 

L’expression relations commerciales doit s’entendre au sens large. C’est-à-dire qu’elle comprend aussi bien l’achat de produits, fournitures, de services que l’exécution de prestation de service de toute nature. Cela concerne ainsi tout type de relations commerciales, c’est-à-dire relations d’affaire, entretenues entre deux professionnels, quelque que soit leur domaine d’activité respectif, qu’il soit identique ou différent à l’exclusion de certaines professions réglementées (ex: médecins). Il a été jugé qu’un architecte ou un expert-comptable peuvent se plaindre de la rupture brutale de relation avec un client. Le client est libre de se séparer de son partenaire dont il est mécontent, mais il doit respecter un préavis ou indemniser.

 

2)    Qu’est-ce qu’une rupture totale ou partielle ?

 

On parle de rupture totale dès lors qu’elle se traduit par la cessation pure et simple de toutes commandes, livraisons, prestations de l’une des parties aux relations d’affaires en cause. La rupture partielle se caractérise par une diminution conséquente des commandes, opérations habituelles entre les partenaires intéressés, qui entraîne ainsi une diminution conséquente du chiffre d’affaire de la partie visée. Il est important de noter que le fait de ne pas respecter des quotas ou des engagements de chiffre d’affaire peut également être compris comme une rupture partielle, ayant bien entendu des incidences sur le chiffre d’affaire réalisé par l’entreprise. En cas de rupturepartielle brutale, le chiffre d’affaire habituellement réalisé entre les parties sera pris en compte comme référence pour le calcul du préjudice subi par le partenaire évincé. La diminution brutale du volume d’activité, c’est-à-dire la rupture partielle est donc également indemnisable!!

 

 

3)    Qu’est-ce qu’une rupture brutale ?

 

On parle de rupture brutale, ou fautive, abusive dès lors que l’entreprise qui la subie n’en a pas été avisée au préalable, par un préavis écrit, tenant compte de la durée de la relation commerciale.

 

4)    Qu’est-ce qu’un préavis suffisant?

 

Il faut bien sûr préciser qu’il ne s’agit pas de prévenir quelque jour avant la rupture! Un tel préavis, même délivré, par écrit, est insuffisant et caractérise une rupture brutale, qu’elle soit totale ou partielle. Pour être suffisant, le préavis doit donc être écrit et émis dans un délai raisonnable!

 

5)    Comment apprécie-t-on le caractère raisonnable du prévis ?

 

Pour apprécier le caractère raisonnable ou non du préavis, la loi, les tribunaux, les usages imposent de prendre en compte divers paramètres qui peuvent être cumulatifs. Il s’agit de:  – l’ancienneté des relations existantes entre les parties; – de la nature ou notoriété des produits ou services habituellement échangés; – l’importance économique du partenaire à l’origine de la rupture compte tenu de l’activité de la partie lésée ou du chiffre d’affaire réalisé entre ces parties. Ainsi, la Cour de Cassation exige une véritable proportionnalité entre la duré du préavis et celle des relations. Le caractère raisonnable du préavis fait ainsi l’objet d’une appréciation au cas par cas et selon les usages de la profession ou du secteur concerné. En fonction de l’ancienneté des relations, le préavis va de 1 mois à 2 ans.

 

6)    La rupture des relations d’affaires doit-elle être motivée ?

 

Non, contrairement aux ruptures pour fautes graves ou force majeure, la loi impose seulement que le préavis soit suffisant et les tribunaux n’examinent donc pas le motif de la rupture !

 

7)    Qu’est-ce qu’une « relation établie » ?

 

Ce sont les tribunaux qui évaluent s’il s’agit d’une « relation établie », compte tenu de plusieurs paramètres: –          la durée: parfois quelques mois suffisent; –          la stabilité: les juges retiennent si la relation commerciale en cause devait se perdurer dans le temps ou n’être que ponctuelle; –          L’intensité: ce critère s’évalue au regard de la progression continue ou non du chiffre d’affaire réalisé entre les parties. Il faut cependant noter que pour juger du caractère établi ou non de la relation, les juges du fond disposent d’un assez large pouvoir d’appréciation, compte tenu des antécédents jurisprudentiels ou des usages propres à chaque métier.

 

8)    Comment être indemnisé du préjudice subi de la rupture qu’elle soit totale ou partielle ?

 

L’entreprise lésée par la rupture brutale des relations commerciales peut demander l’allocation de dommages et intérêts, en saisissant la juridiction commerciale compétente (juridictions consulaires spécialisées).

Ces dommages et intérêts correspondent :

– au gain manqué,

– et/ou aux pertes annexes subies.

9)    Comment évaluer, calculer le préjudice subi ?

La rupture constitue le point de départ pour l’évaluation du préjudice qui est apprécié en fonction de la marge bénéficiaire brute que la partie victime aurait pu prétendre s’il elle n’avait pas subi cette rupture brutale. Le calcul du préjudice s’établi sur la marge brute ou nette selon l’activité.

Quant au calcul du préjudice lié aux pertes annexes, cela peut correspondre à :

–  l’amortissement des matériels acquis par l’entreprise spécialement pour celle qui est à l’origine de la rupture

– aux conséquences de la cessation d’activité ou de la réduction conséquente d’activité,

–  aux licenciements que doit supporter l’entreprise lésée,

– à la fermeture des locaux…

Il existe donc un mécanisme légal permettant, en cette période de crise économique de se prémunir ou d’être indemnisé de la perte brutale d’un client ou d’un fournisseur important.

Le législateur a même spécialisé certains tribunaux de commerce sur le territoire national.

Les exemples se multiplient : rupture brutale d’un contrat de distribution commerciale, de concession, d’impression, de fourniture de service, de sous-traitance, etc.

Mais, là encore, la législation n’est utile…que si l’on s’en sert !!!

Le Cabinet SEUTET AVOCATS est régulièrement saisi de ces questions qu’il traite judiciairement ou à la faveur de transactions amiables.

Cet article est paru dans le journal Valeurs Economiques de l’été 2011 – rubrique « Experts ».

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