Entrepreneur individuel : la loi n°2022-172 du 14 février 2022, en faveur de l’activité professionnelle indépendante, vient d’être publiée.

Son objectif est clair : mieux protéger le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel face à la concurrence des sociétés commerciales, censées être plus protectrices, mais dont le fonctionnement est plus lourd et plus onéreux.

Tout cela, en vue d’inciter à la création d’entreprise.

En effet on sait que, sans structure sociétaire pour exploiter son activité professionnelle, l’indépendant expose son patrimoine personnel (et celui de sa famille), ce qui peut constituer un frein à la création d’entreprise.

Les principales modifications sont les suivantes :

La protection du patrimoine :

La loi supprime le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), qui n’a connu aucun succès, tout comme l’insaisissabilité de la résidence principale et des biens fonciers, que les entrepreneurs individuels utilisent peu.

La loi modifie la règle du jeu et prévoit désormais qu’en cas de défaillance, seuls les éléments constituant le patrimoine professionnel de l’entrepreneur pourront être saisis par les créanciers et ce, sans déclaration ou démarche administrative particulière.

Toutefois, l’entrepreneur demeurera libre de renoncer à cette séparation entre son patrimoine professionnel et privé, en faveur d’un créancier professionnel.

Il est donc à craindre que les établissements de crédit utilisent cette faille pour renforcer leurs droits au détriment des autres créanciers, et conditionnent leurs concours bancaires à cette renonciation… tout comme ils demandent la caution du dirigeant d’une société !

La facilitation de la transmission de l’entreprise individuelle :

Le législateur favorise le transfert de toute nature du patrimoine professionnel, à titre gratuit ou non, et dans le cadre d’un apport en société.

Ces modifications entraîneront la transmission du patrimoine professionnel sans liquidation, c’est-à-dire l’ensemble des droits, obligations et sûretés qui y sont attachés. Cette transmission fera l’objet de mesures de publicité spécifiques ayant pour objet d’informer les créanciers de rendre opposable cette cession aux tiers.

Le renforcement de la protection de l’entrepreneur individuel face aux poursuites de ses créanciers :

Le législateur prévoit donc que seul le patrimoine professionnel sert de gage aux créanciers professionnels, en créant une paroi de verre entre le patrimoine privé et professionnel de l’entrepreneur.

Ainsi par exemple, un fournisseur ne pourrait-il plus poursuivre les biens personnels de l’entrepreneur pour le paiement de sa créance. Il ne pourrait donc plus pratiquer la moindre voie d’exécution, c’est-à-dire de saisie.

Le législateur modifie également le surendettement du professionnel indépendant en permettant d’intégrer les dettes professionnelles des gérants majoritaires de SARL dans un surendettement. C’est-à-dire en prenant en compte l’intégralité des dettes professionnelles et non professionnelles de l’entrepreneur pour apprécier sa situation de surendettement, alors qu’auparavant par exemple, les dettes et cotisations sociales étaient exclues du régime du surendettement.

Allocation des travailleurs indépendants :

La loi élargit les conditions d’accès des indépendants aux allocations des travailleurs indépendants. Ils vont désormais bénéficier d’une indemnité fixée à 800 euros par mois maximum, avec un plancher de 600 euros mensuels en cas de cessation définitive ou totale de l’activité sans qu’une liquidation judiciaire ne soit une condition de l’arrêt d’activité, mais sous la condition que le professionnel ait dégagé un revenu d’au moins 10 000 euros sur une des deux années précédant la cessation de son activité.

Ainsi, la loi renforce la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel ainsi que ses revenus de substitution en cas d’échec de son activité professionnelle. Le rebond de l’entrepreneur est donc favorisé.

Professions libérales réglementées :

Enfin, concernant les professions libérales réglementées, la loi donne habilitation au gouvernement à prendre des ordonnances afin de simplifier / clarifier les règles applicables aux professions libérales réglementées et surtout, faciliter le développement et le financement de leur structure d’exercice professionnel.

Retenons donc désormais qu’en cas de liquidation judiciaire d’un artisan, d’un commerçant ou d’un professionnel libéral, celui-ci verra donc son patrimoine personnel protégé : il conservera ses biens, et notamment sa résidence principale, et pourra bénéficier d’une allocation de substitution.

Gageons que ce nouveau statut permettra effectivement, dans cette période post-Covid, de créer les conditions d’une accélération des créations d’entreprises, déjà largement constatée, avec une protection accrue de l’entrepreneur individuel en cas d’échec de son projet.

Article écrit par Me Eric SEUTET paru dans l’édition de DIJON L’HEBDO du 24 mars 2022.