Article paru dans DIJON L’HEBDO du 28 octobre 2021 :

Pour pouvoir se soigner, encore faut-il qu’une entreprise sache qu’elle est malade !

Et très souvent, les symptômes de sa maladie se traduisent par ce que l’on appelle « un état de cessation des paiements ».

Comme toute maladie, pour pouvoir préconiser le bon traitement, l’avocat d’affaires, qui est l’urgentiste, doit faire le bon diagnostic.

A chaque maladie ses symptômes et son remède.

Il en est de même pour le traitement des entreprises en difficulté.

Le médicament sera différent selon que l’entreprise est, ou n’est pas, en état de cessation des paiements.

Il est, à ce stade, capital pour un chef d’entreprise, de s’auto-diagnostiquer rapidement.

Ne traverse-t-il que des difficultés de trésorerie passagères ?

Ou est-il placé dans un état de cessation des paiements qui lui impose, conformément à la loi, de prendre des mesures, à peine d’engager sa responsabilité civile personnelle ?

La loi définit ce qu’est l’état de cessation des paiements :

  • Est en état de cessation des paiements, l’entreprise qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
  • N’est pas en état de cessation des paiements, l’entreprise qui établit que ses réserves de crédit et/ou les délais dont elle bénéficie de ses fournisseurs, lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Doit être pris en compte dans le calcul de l’actif disponible :

  • Les soldes créditeurs des comptes bancaires, c’est-à-dire les disponibilités ;
  • Les créances des clients, seulement si elles sont immédiatement mobilisables auprès d’un établissement de crédit dans le cadre de la loi Dailly ;
  • Éventuellement les stocks, s’ils sont immédiatement mobilisables auprès d’une banque qui pourrait les gager et accorder immédiatement, ou rapidement, de nouveaux concours bancaires ;
  • Enfin, les réserves de crédit, c’est-à-dire les découverts non encore ou partiellement consommés.

Cette addition de postes permet de définir ce qui figure dans l’actif disponible (La véritable trésorerie encore disponible !).

S’agissant du passif exigible à prendre en compte, ce sont toutes les dettes de l’entreprise, quelle que soit leur nature, et pour lesquelles la date d’échéance, prévue contractuellement ou légalement, est tout simplement dépassée, à savoir :

  • Les sommes impayées dues aux établissements de crédit au titre des contrats de prêt, de crédits-bails, de locations financières ;
  • Les sommes dues en cas de dénonciation des découverts ;
  • Les charges fiscales et sociales impayées, passée leur date d’exigibilité mensuelle ou trimestrielles ;
  • Les factures fournisseurs dont les dates d’échéance sont également dépassées.

L’entreprise est en état de cessation des paiements lorsque le montant de son actif disponible (à savoir, pour l’essentiel, ses disponibilités bancaires) est inférieur à son passif exigible !

Le chef d’entreprise doit, s’il veut éviter d’engager sa responsabilité personnelle (avec des sanctions professionnelles ou patrimoniales à la clé à savoir : une action en insuffisance d’actif qui mettrait à sa charge le passif de l’entreprise, ou une faillite personnelle, interdiction de gérer, etc.), dans les 45 jours de l’apparition de cet état de cessation des paiements, mettre en œuvre une des procédures prévues par la loi, à savoir :

  • Un mandat ad’hoc, s’il n’est pas en état de cessation des paiements. C’est-à-dire la désignation, par le Président du Tribunal de commerce, d’un tiers qui, avec les conseils habituels de l’entreprise (avocat, expert-comptable), va aider le chef d’entreprise à étaler son passif ;
  • Une procédure de conciliation ou de sauvegarde. C’est-à-dire une procédure confidentielle et non judiciaire (conciliation) ou judiciaire (sauvegarde), s’il est en état de cessation des paiements depuis moins de 45 jours ;
  • Enfin, l’obligation de « déposer le bilan ». C’est-à-dire d’ouvrir une procédure de redressement judiciaire si son état de cessation des paiements a plus de 45 jours.

L’entrepreneur peut donc éviter « le dépôt de bilan » s’il réagit rapidement, de manière préventive pour utiliser la bonne boite à outils et négocier confidentiellement avec ses créanciers. Faute de quoi, il s’expose à n’avoir pas d’autre solution que de passer devant le Tribunal, en redressement judiciaire.

Les résultats sont encourageants :

  • 70 à 80% des procédures amiables du traitement des difficultés (mandat ad’hoc et conciliation) aboutissent à un accord ;
  • 55% des sauvegardes aboutissent à un plan de sauvegarde ;
  • 37% des redressements judiciaires aboutissent à un accord ;
  • Et les autres sont placés en liquidation judiciaire !

Plus le diagnostic est établi tôt, plus la guérison intervient.

D’où l’utilité de faire un diagnostic pour savoir si l’entrepreneur est, ou non, en état de cessation des paiements.

Il s’agit d’une question… de vie ou de mort de l’entreprise !

Article écrit par Me Eric SEUTET.