Le prélèvement à la source est entré en vigueur le 1er janvier 2019.

Pour les professions indépendantes (agriculteurs, professions libérales…) et autres (artisans, commerçants…), il prend la forme d’un acompte prélevé sur le compte bancaire du contribuable par l’administration fiscale d’après le montant des revenus imposés au titre de la dernière année pour laquelle l’impôt a été établi.

Cependant, que faire en cas de variation du revenu imposable en cours d’année, notamment, en cas de baisse de celui-ci ?!

Cette hypothèse a, bien évidemment, été prévue par les textes de loi instituant le mécanisme du prélèvement à la source.

En effet, en cas de variation des revenus soumis à prélèvement à la source, à la hausse ou à la baisse, il suffit de se connecter sur son espace personnel du site impots.gouv et d’accéder à la rubrique « Gérer mon prélèvement à la source ».

La modulation du taux de l’acompte peut, ainsi, intervenir à la hausse sans aucune condition.

Mais, la difficulté survient lorsqu’il s’agit de moduler le taux à la baisse…

En effet, les textes prévoient que la modulation du prélèvement à la baisse n’intervient que s’il existe « un écart de plus de 10% et de plus de 200 € est constatée entre, d’une part, le montant du prélèvement résultant de la situation et les revenus estimés par le contribuable pour l’année en cours et, d’autre part, le montant du prélèvement qu’il supporterait en l’absence de modulation ».

En d’autres termes, le montant de l’acompte prélevé tous les mois par l’administration fiscale est, en principe, calculé d’après les revenus de l’année précédente. Cependant, en cas de baisse des revenus imposables au cours de l’année, l’administration fiscale admet qu’une modulation de l’acompte à la baisse soit mise en œuvre et immédiatement applicable.

La difficulté repose dans les conditions de cette mise en œuvre…

En effet, en tant qu’indépendant, il est possible de constater, ponctuellement, une baisse des revenus (chiffre d’affaire) tirés de son activité. Cependant, comment estimer ses bénéfices pour l’année en cours (à 10% près !) ?

Cela semble tout simplement impossible !

Or, en application des textes actuels sur le prélèvement à la source et l’acompte, il est bien question de « deviner » quels seront, pour les indépendants, le montant de leurs bénéfices pour l’année en cours car, si ces derniers sollicitent une modulation à la baisse qui s’avère ne pas respecter les conditions précitées, ils seront sanctionnés.

En effet, malgré la mise en place du mécanisme du prélèvement à la source, il convient de rappeler que tout contribuable reste tenu du dépôt d’une déclaration de ses revenus en N+1.

Ainsi, pour les revenus de l’année 2019, chaque contribuable devra déposer une déclaration de revenus en 2020. Cette formalité a pour finalité de permettre à l’administration fiscale d’effectuer des régularisations en cas d’insuffisance de versement ou de trop-perçu.

Le dépôt de la déclaration de revenus en N+1 permettra également à l’administration fiscale, en cas de modulation à la baisse du prélèvement en cours d’année, d’effectuer une comparaison entre le prélèvement modulé et le prélèvement qui aurait dû être acquitté au regard des revenus effectivement perçus au titre de l’année concernée.

Ainsi, s’il est constaté que les seuils de 10% et 200 €, évoqués ci-dessus, ne sont pas respectés, les contribuables concernés se verront appliquer une majoration.

La majoration sera de 10% lorsque le montant du dernier prélèvement estimé s’avère inférieur de plus de 10 % au montant du prélèvement qui aurait dû être effectué. Toutefois, lorsque le montant du prélèvement effectué s’avère inférieur de plus de 30 %, le taux de la majoration est égal à la moitié de la différence entre ce premier montant et le montant du prélèvement effectué.

Cette sanction semble bien lourde de conséquences pour les contribuables qui, de bonne foi, n’arriveraient pas, en cours d’année, à estimer correctement le montant des bénéfices qu’ils pourraient être amenés à percevoir au titre d’une année d’imposition…

Faut-il, en effet, rappeler que, contrairement aux revenus d’un salarié ou d’un fonctionnaire, les revenus d’un indépendants sont constitués par le bénéfice qu’il réalisera à la fin de l’année, soit la différence entre son chiffre d’affaire annuel et ses charges.

Mais comment un artisan va-t-il, en cours d’année, deviner le montant des interventions qu’il va réaliser, et donc son bénéfice, avant la fin de l’année ?

Comment un restaurateur va-t-il anticiper le montant de ses recettes et de ses charges durant l’année ?

Reste donc à savoir comment les professionnels indépendants vont pouvoir gérer ces dispositions…

Devront-ils se doter d’un outil de gestion spécifique leur permettant ainsi d’anticiper leur bénéfice non commercial mois par mois ?

Reste à savoir également comment l’administration fiscale va mettre en œuvre ces contrôles et ces sanctions, d’autant plus qu’il conviendra de concilier ces textes avec ceux du droit à l’erreur, la bonne foi n’étant pas contestable lorsqu’il s’agit d’une erreur sur l’estimation de ses bénéfices pour l’avenir…

Finalement, par peur de la sanction fiscale, le contribuable ne va-t-il pas préférer faire crédit à l’Etat (s’il en a les moyens), plutôt que de réduire ses prélèvements… au risque de se tromper ?

L’Etat lui-même peut-il prévoir ses recettes fiscales (à 10% près !) en cours d’année, pour chaque type de prélèvement (TVA, IS, IR) et pour chaque contribuable ou secteur d’activité sans se tromper ?!