La loi dite « MACRON » votée cet été prévoit la spécialisation de certains tribunaux de commerce, notamment pour les procédures collectives ouvertes à l’encontre de grandes entreprises.

Pour être plus précis, seuls ces tribunaux de commerce, dits « spécialisés », connaitront ces procédures.

C’est un décret pris, après avis du Conseil National des tribunaux de commerce, qui va fixer la liste des tribunaux de commerce spécialisés.

Ce décret déterminera le ressort de ces juridictions, en tenant compte des bassins d’emplois et des bassins d’activité économique.

Ce décret devrait être publié en décembre prochain.

Le tribunal de commerce de Dijon va-t-il se voir reconnaitre une spécialisation pour traiter les difficultés des plus importantes entreprises ?

De quelles entreprises s’agit-il ?

  •   Dont le nombre de salariés est égal ou supérieur à 250 et dont le montant net du chiffre d’affaires est d’au moins 20 millions d’euros.
  •   Des entreprises dont le montant net du chiffre d’affaires est d’au moins 40 millions, quel que soit le nombre de salariés.
  •   Ou des sociétés qui détiennent ou contrôlent une autre société entrant dans ce champ d’application.

Les tribunaux de commerce qui vont se voir reconnaitre cette spécialisation seront non seulement compétents pour traiter des procédures de sauvegarde – redressement et liquidation judiciaire, mais également de toutes les procédures de conciliation (procédure confidentielle de prévention et traitement des difficultés des entreprises).

Alors que le tribunal de commerce de Nancy avait, par exemple, été retenu pour traiter des ruptures abusives de relations contractuelles, au détriment de celui de Dijon, qui n’est pas compétent pour statuer sur ce type de contentieux, il est permis de s’interroger pour savoir si ce même tribunal de commerce de Nancy, ou celui de Lyon par exemple, va être déclaré spécialisé… et donc compétent pour régler le sort d’entreprises en difficulté qui ne sont pas dans son ressort naturel de compétences, mais qui vont s’y trouver de par ces dispositions spéciales.

Demain, le tribunal de commerce de Lyon, ou de Nancy, doit-il être compétent pour régler le sort d’entreprises dijonnaises ou bourguignonnes ?

Le tribunal de commerce de Dijon serait-il moins compétent, alors que l’on sait, par exemple, qu’il s’est particulièrement illustré dans le traitement de la sauvegarde, puis du redressement judiciaire du groupe BELVEDERE, groupe de spiritueux réalisant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros, et employant environ 4 200 salariés (dont 700 en France), et qu’il a tout aussi bien fait pour la Chocolaterie de Bourgogne.

Mais il y a bien d’autres exemples dans lesquels d’importantes entreprises, et donc les emplois qui y sont attachés, ont été sauvées totalement ou partiellement ou parfois épargnées grâce à la mobilisation des pouvoirs publics (Commissaire au redressement productif, Direction régionale de l’URSSAF, pour ne citer qu’eux), la compréhension, et bien évidemment la compétence des magistrats bénévoles du tribunal de commerce de Dijon.

Faut-il rappeler que ces mêmes magistrats sont tous des chefs d’entreprise dijonnais, beaunois ou autres, qui ont à cœur de juger leurs pairs (c’est-à-dire des chefs d’entreprise bourguignons) avec un dévouement sans limite.

Une entreprise, comme le vin de nos terroirs, puise ses racines sur nos terres bourguignonnes.

Elle y puise son énergie, son savoir-faire, ses compétences et son talent.

Elle y emploie des salariés.

Faut-il la couper de ses racines quand il s’agit de la soigner ?

Faut-il, surtout lorsqu’elle est importante, lui demander de se faire soigner à 150 ou 300 Kilomètres de son siège social ?

Très loin ou trop loin des acteurs locaux qui la connaissent, qui peuvent rapidement lui prêter secours si elle venait à souffrir de la compétition internationale, d’une mauvaise conjoncture ou de tous autres maux dont est affectée notre économie.

Va-t-on accepter à Dijon qu’une entreprise bourguignonne aille mourir sur d’autres territoires…

La nouvelle région Bourgogne Franche-Comté est-elle trop petite pour disposer d’un dispensaire pour ses entrepreneurs malades ?!

Chaque jour des avocats, des experts-comptables, les services des impôts, de l’URSSAF, les pouvoirs publics, les directions régionales d’établissements de crédit, les mandataires ad’hoc, conciliateurs, se battent pour sauver nos entreprises, dans la confidentialité des procédures de mandat ad’hoc ou de conciliation, qui seules sont à même de permettre de préserver le malade, et de l’accompagner durant sa convalescence jusqu’à sa guérison.

Certes, certains diront que quelques malades ne parviennent pas à s’en sortir !

C’est le propre de la vie !

Même si les symptômes sont inquiétants et la maladie féroce, chaque entreprise préservée, chaque emploi sauvegardé, est une victoire qu’il faut saluer.

C’est sous les ors de la République, et en particulier Place Vendôme, qu’il sera décidé si le tribunal de commerce de Dijon est ou non jugé digne de conserver sa compétence pour traiter (amiablement ou judiciairement) les difficultés des plus importantes entreprises bourguignonnes.

J’ai bien dit pour conserver sa compétence… puisque depuis sa création, le tribunal de commerce de Dijon a toujours été compétent pour traiter des difficultés des plus importantes entreprises comme des plus petites

Faut-il aujourd’hui lui retirer cette compétence ?

La question est posée.

Elle n’est pas simplement du ressort de l’organisation juridictionnelle, mais du ressort de la sphère économique et politique.

Va-t-on entendre, Place Vendôme, le cri des magistrats du tribunal de commerce d’une ville comme Dijon qui n’a pas à avoir honte de la façon dont elle a traité, jusqu’à présent, les entreprises en difficulté qui lui étaient confiées.

Dijon est-elle une ville trop petite pour s’occuper des entreprises dont le nombre de salariés est égal ou supérieur à 250 et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 20 millions d’euros !?

Article paru dans le Journal du Palais n° 4466 du 5 au 11 octobre 2015