Après avoir détaillé les principales mesures de l’ordonnance du 12 mars 2014, qui réforme le régime de la prévention, et donc du traitement amiable des difficultés des entreprises, nous détaillons les principaux points touchant, cette fois-ci, au droit des entreprises en difficulté, c’est-à-dire, ceux qui concernent les entreprises soumises à une procédure de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire.

Il est rappelé que l’ordonnance du 12 mars 2014 ne sera applicable qu’à partir du 1er juillet 2014, aux seules procédures ouvertes après cette date, et que les praticiens restent dans l’attente des décrets d’application, qui ne sont pas encore publiés.

La réforme a pour objectif de simplifier les procédures collectives pour les adapter au contexte de crise économique sans précédent que nous traversons.

Il n’est pas certain que l’objectif poursuivi ait été atteint par cette réforme, qui manque d’ampleur.

  1. Les mesures affectant la sauvegarde.

Il est rappelé qu’une procédure de sauvegarde est une procédure de traitement judiciaire des difficultés des entreprises.

En d’autres termes, il ne faut pas la confondre avec le mandat ad’hoc ou la conciliation, qui sont des procédures confidentielles et non judiciaires.

En matière de sauvegarde, la procédure devient publique : il s’agit, en quelque sorte d’un redressement judiciaire «anticipé», permettant à l’entreprise de se mettre sous la protection de la justice commerciale, afin de faire face à des difficultés prévisibles ou avérées, qui vont la conduire à plus ou moins brefs délais, à la cessation des paiements.

Ces procédures de sauvegarde ne concernent que peu de procédure en pratique, compte tenu de la publicité attachée à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

Il est extrêmement difficile de convaincre un chef d’entreprise de négocier amiablement ses dettes avec ses fournisseurs et banquiers (mandat ad’hoc et/ou conciliation), il est encore plus difficile de convaincre un chef d’entreprise que sa cessation des paiements le conduit à ouvrir une procédure de redressement judiciaire.

Alors, convaincre un chef d’entreprise qui n’est pas en état de cessation des paiements, qu’il doit solliciter une mesure de sauvegarde alors qu’il n’est pas en état de cessation des paiements, c’est encore plus compliqué !!

Mais surtout, l’absence de toute confidentialité, et le caractère coercitif de cette mesure, explique son faible succès.

Les mesures phares contenues dans l’ordonnance du 14 mars 2014 sont les suivantes :

  1. a) – les créanciers peuvent également présenter un plan :

 

Les membres du comité des créanciers (applicable simplement lorsque des seuils sont atteints) peuvent désormais proposer au Tribunal de commerce un plan de sauvegarde, concurrent de celui envisagé par le dirigeant.

On reste dans l’attente du décret fixant ces seuils.

C’est là, toute l’histoire du dossier BELVEDERE, cette société de commerce de spiritueux, dont le siège social est basé à Beaune, et qui a été confrontée à une dette senior (notamment liée à l’acquisition de MARIE BRIZARD) colossale.

Un plan d’étalement de cette dette, dans le cadre d’un plan de redressement judiciaire, s’avérait impossible, de sorte que le seul «plan» envisageable était la «reprise» de la société par les créanciers eux-mêmes, à savoir les établissements financiers qui titrisent leurs créances (conversion d’une créance en capital) pour en prendre le contrôle, et surtout, assainir leurs finances.

Le législateur permet désormais aux créanciers d’avoir droit au chapitre pour proposer des plans concurrents de ceux envisagés par le chef d’entreprise.

 

  1. b) – Création d’une sauvegarde accélérée.

Il sera désormais possible de préparer un plan de cession en procédure de conciliation et en extension de sa mission.

Le conciliateur, dont la mission principale est de favoriser la conclusion d’un accord entre le chef d’entreprise et ses créanciers principaux, pourra désormais préparer la cession de l’entreprise en accord, bien évidemment, avec le chef d’entreprise, lorsque les créanciers auront donné leur avis sur celle-ci.

Cette opération de cession, préparée en amont, se dénouera dans le cadre de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde de redressement de liquidation judiciaire.

Cette sauvegarde accélérée ne pourra être ouverte que si le chef d’entreprise a, préalablement, bénéficié d’une mesure de traitement amiable de ses difficultés.

Le chef d’entreprise pourra être en état de cessation des paiements lors de l’ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée, si cette situation ne précède pas depuis plus de 45 jours la date de la demande d’ouverture de la procédure de conciliation.

La procédure sera limitée à une durée de 3 mois, délai durant lequel, le plan de cession devra être approuvé par le tribunal.

Cette innovation législative peut être prometteuse.

En effet, dans le cadre d’une procédure de conciliation, les principaux créanciers gèlent leurs créances (organismes fiscaux et sociaux, ainsi que les partenaires bancaires).

Le chef d’entreprise pourrait donc chercher un repreneur puis, après avoir obtenu l’avis de ses créanciers, soumettre à celui-ci et au tribunal, dans le cadre de l’ouverture d’une sauvegarde dite «accélérée», pour que la cession puisse se réaliser au plus vite, et favoriser, là encore, la poursuite et le désintéressement (limité !) des créanciers.

 

  1. c) – suppression du paiement comptant, en sauvegarde.

L’obligation de payer «au cul du camion» c’est-à-dire sans délai pour tous les contrats poursuivis pendant la période d’observation est supprimée durant la procédure.

Cette obligation demeure, en revanche, pour les procédures de redressement et liquidation.

Les contrats se poursuivront avec les mêmes délais contractuels, en matière de sauvegarde.

 

  1. Les modifications liées au redressement judiciaire.

Là encore, les créanciers, dans le cadre de comités, pourront proposer un plan concurrent de celui envisagé par le dirigeant d’entreprise.

Enfin, lorsque les capitaux propres de l’entreprise n’auront pas été reconstitués dans les conditions prévues par la loi, à la suite de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire,  l’administrateur judiciaire aura qualité pour demander la désignation d’un mandataire en justice qui sera chargé de convoquer l’assemblée pour inviter les associés, à recapitaliser la société, à hauteur du minimum prévu.

Il est rappelé que cette obligation concerne les entreprises ayant «mangé» leurs capitaux propres, c’est-à-dire plus de la moitié du capital social.

Reste à savoir si cette mesure sera suivie d’effets et si les associés pourront recapitaliser la société, malgré la perte de plus de la moitié du capital social de l’entreprise.

En effet, encore faut-il qu’ils en aient la capacité financière…

On pourrait imaginer que seuls, certains associés souscrivent au capital, ce qui aboutirait à des changements de contrôle, même s’il est vrai que le contexte de l’ouverture d’un redressent judiciaire n’est pas forcément propice aux augmentations de capital par les actionnaires, quels qu’ils soient…

  1. Les mesures nouvelles affectant les procédures de liquidation judiciaire.

Les textes de l’ordonnance prévoient quelques mesures :

  • Réduction d’1 an à 6 mois de la durée de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée, destinée à accélérer le rebond des dirigeants et des chefs d’entreprise, du fait de la clôture de la procédure.
  •  Instauration de procédure de rétablissement personnel sans liquidation, ouverte à tout débiteur et personne physique qui ne fait l’objet d’aucune procédure collective en cours, n’a employé aucun salarié au cours des 6 derniers mois, et dispose d’actifs sociaux d’une valeur inférieure à un montant qui soit fixé par décret.

A l’instar de la procédure de surendettement, dans laquelle un débiteur, personne physique, peut voir ses dettes effacées pour «rebondir», le législateur applique la procédure de rétablissement personnel aux professionnels, créant donc cette procédure de rétablissement professionnel qui, rappelons-le, entraine l’effacement de la quasi-totalité des dettes, et permet à l’entrepreneur individuel (commerçant, artisan, professionnel libéral) de rebondir.

Les praticiens attendent impatiemment les décrets d’application, et il est annoncé une réforme du rôle de l’actionnaire en période de procédure collective :

Est envisagé la cession forcée des titres du dirigeants, mais cet objectif sera nécessairement affecté par la décision récente du Conseil Constitutionnel sur la loi «Florange», qui a été sérieusement écornée par l’impossibilité «d’exproprier», compte tenu du sacro-saint principe droit de propriété, protégé par la constitution française.

Est également évoqué une réforme du Tribunal de commerce, ainsi que du statut des administrateurs et mandataires.

Vaste programme qui devrait être accompli avant l’été !